« COVID-19 : de la crise au changement… » : quel changement pour les acheteurs ?
4 mai 2020
Les crises financières et celles d’après-guerre ont permis des avancées économiques ET sociales : naissance des banques centrales, du FMI, de la sécurité sociale et le droit de vote aux femmes en France par exemple. La crise sanitaire du COVID-19 transformera-t-elle notre paradigme économique vers un modèle plus responsable ?
En France, la crise de 2008 a impacté la politique de filières. La Plateforme automobile (PFA) qui représente 4000 entreprises a ainsi été créée. « On a arrêté d’opposer politique publique et privée. L’idée que l’État favorise le dialogue entre les entreprises d’une filière et mette en place les outils nécessaires a été un réel acquis de cette crise » disait Luc Chatel, alors secrétaire d’État à l’Industrie. Je pense que c’est la voie à suivre…si nous allons jusqu’au bout d’une démarche responsable ambitieuse.
Dépendance économique
En pleine mutation technologique, l’industrie automobile a signé un contrat de filière avec l’objectif d’atteindre 1 million de véhicules électriques en 2022. Or, la production de ces batteries dépend en très grande partie de l’Asie, l’Europe ne représenterait que 3% de la production mondiale.
La pandémie COVID-19, révélatrice de plusieurs défaillances des chaînes d’approvisionnement, accélèrera sans aucun doute le renouveau de notre industrialisation. Entre autres, celle de ces batteries en Europe dont la France pour le plus grand bonheur de SAFT, filiale du groupe Total. Ce sera le cas du secteur de la santé : masques, médicaments…etc. L’industrie européenne dépend à 80 % de principes actifs pour les médicaments qui sont produits en Chine*.
Laurence BOONE – cheffe économiste à l’OCDE – précise : « Ce que cette crise a mis en exergue, c’est la dépendance parfois très forte à un pays comme la Chine, c’est le manque de diversification dans nos approvisionnements pour les chaînes de production et pour la consommation ».
Le prix – plutôt que le coût global – est le critère majeur du choix des fournisseurs. Rarement les risques et notamment la sécurité des approvisionnements sont pris en compte dans les critères prioritaires du choix du fournisseur.
Acheter responsable en pilotant mieux le risque
La mise en place d’un plan de sécurisation des approvisionnements deviendra un objectif majeur des Directions Achats. Leurs stratégies définiront un nouveau modèle avec la fin de la réduction du panel fournisseurs. Cette globalisation ne sera plus le sacrosaint des leviers d’achat. L’acheteur devra convaincre autrement ses fournisseurs de lui réserver une capacité de production certaine.
Si la répartition des quantités entre plusieurs fournisseurs sécurise les approvisionnements, elle impacte aussi le coût global. Et ne plus dépendre d’un fournisseur basé dans un pays Low Cost en position de monopole du fait d’une stratégie achat, sera également un nouveau challenge pour certaines entreprises. Ainsi, les acheteurs devront faire face à de nouveaux enjeux et défis.
Ceux qui auront mis en place une démarche d’achat responsable en tissant des liens forts avec leurs fournisseurs, qui auront pris en compte les risques d’approvisionnement en répartissant leurs achats sur plusieurs fournisseurs situés en France et d’autres pays, et utiliser les outils d’achat responsable comme la matrice des risques (référentiel ISO20400 ou Label RFAR) auront une longueur d’avance. Ce sont ces mêmes entreprises qui aujourd’hui ont mis en place un plan de continuité de services et actions auprès de leurs fournisseurs en garantissant par exemple les délais de paiement contractuel.
Résilience et agilité ? Oui absolument, mais surtout en tirer les enseignements ! La crise du Covid-19 bouleverse l’économie mondiale et nous imposera de repenser notre stratégie d’achat, notre chaine d’approvisionnement en achetant plus local, plus responsable. J’en suis intimement persuadé !
*Source Les Echos du 18 février 2020
Par Yann Le Coz
Article paru dans La Lettre des Achats – Mai 2020