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COVID-19 : opportunité pour une performance nouvelle des acheteurs

10 juin 2020

Les photos satellites l’attestent : la réduction drastique des flux logistiques durant l’épidémie a fait chuter historiquement le taux d’émission des gaz à effet de serre. Ce constat est une opportunité pour les entreprises d’agir en faveur du climat en repensant leur chaine de valeur tout en réduisant les risques d’approvisionnement.

Depuis 2012, la loi Grenelle II impose aux entreprises de plus de 500 personnes en France métropolitaine de publier un bilan des émissions des gaz à effet de serre (bilan GES) dans leur rapport RSE. Seule l’activité de l’entreprise et sa consommation d’énergie sont prises en compte (scope 1 & 2). Les émissions indirectes liées aux achats et au transport (scope 3) sont en option alors qu’elles peuvent représenter jusqu’à 80 % des émissions des gaz à effet de serre pour certaines entreprises ! Dans un tel contexte comment l’acheteur peut-il convaincre en interne de la création de valeur créée en achetant plus responsable ?

Devoir de vigilance

Tout d’abord en appliquant la Loi sur le devoir de vigilance. Les entreprises ont l’obligation de prévenir les risques sociaux et environnementaux liés à leurs opérations mais aussi aux activités de leurs fournisseurs et sous-traitants. Référencer les fournisseurs les plus vertueux avec des bilans GES performant est un critère de réduction des risques comme celui du déficit d’image (drame du Rana Plaza) ou encore d’un dépôt de plainte par un collectif d’associations et d’élus locaux (industrie pétrolière).

Ensuite, en conduisant une réflexion pour une plus grande résilience de l’entreprise en relocalisant une partie des achats. C’est une opportunité d’agir favorablement sur le scope 3 et la chaine d’approvisionnement : transport des matières premières, origine des produits finis ou sous-ensembles, immobilisations (matériel informatique, parc véhicules…), achats de travaux, déplacements professionnels, mode de production des fournisseurs, cycle de vie des produits, réemploi, déchets…etc.

Je trouve incroyable de devoir acheter ces volumes de masques jetables chirurgicaux en Chine et de mettre en place un pont aérien pour ces approvisionnements. Ce savoir-faire est la portée de notre industrie. Il revient aux acheteurs publics et privés en tant qu’acteurs économiques de convaincre les industriels à investir.

Nouveaux indicateurs de performance

A l’instar des masques réutilisables en tissu, la filière textile française s’est mobilisé y compris au sein du STPA* qui a su investir dans de nouveaux équipements pour répondre à la forte demande. C’est aux acheteurs de valoriser la démarche Made in France comme je l’ai constaté auprès d’un client qui n’a pas sélectionné certaines offres en provenance d’autres pays Européens.

Pour réduire le risque de rupture dans la chaine d’approvisionnement, la stratégie des Directions des Achats passeront d’un modèle de sourcing mondial vers un modèle multi supply chain. Pour compenser le levier massification ainsi moins actif, l’acheteur activera d’autres leviers d’achat. Par exemple acheter local, c’est agir sur le time to market donc sur le CA ; c’est réduire le délai d’acheminement des produits donc les niveaux de stock. Définir l’achat local comme l’achat par défaut, peut devenir pour certaines entreprises un axe d’une politique d’achat responsable.

Dans son reporting, l’acheteur communiquera avec de nouveaux indicateurs de performance comme celui du suivi du bilan carbone fournisseur. Ou encore le nombre de produits achetés dépendants d’une seule source d’approvisionnement, d’un seul continent voire d’un seul pays. Le KPI le plus stratégique sera celui que fera le lien entre l’évolution du CA et les actions mise en place par la Direction des Achats dans le cadre de sa démarche d’achat responsable.

Ainsi l’acheteur est acteur de la démarche RSE et voit formaliser sa performance dans le bilan extra financier de son entreprise.


*STPA : Secteur du Travail Protégé & Adapté (handicap)


Par Yann Le Coz

Article paru dans La Lettre des Achats – Juin 2020

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