L’acheteur bienveillant
Ce propos m’a fait me remémorer l’exemple d’une acheteuse responsable et bienveillante que j’accompagne pour développer les achats responsables de son entreprise. À sa demande, j’ai assisté à une négociation pour un appel d’offres important, en amont duquel cette acheteuse avait exigé du fournisseur principal d’intégrer un prestataire du STPA en tant que cotraitant.
Pour développer ses achats auprès du STPA, elle a utilisé le levier de la cotraitance pour ce dossier. Ainsi, via une clause sociale dans sa consultation, elle reçoit la proposition commerciale de deux entreprises qui se sont constituées en groupement momentané d’entreprise (GME) pour ce marché. Celle du prestataire de rang 1 est conforme au prix marché mais pas celle de l’EA qui présente un écart de prix trop élevé. Pour cette catégorie d’achat, la décomposition des coûts est connue des acheteurs professionnels : 80 % du prix de revient correspond au coût de la main-d’œuvre et les 20 % restants intègrent les produits consommables nécessaires à la réalisation de la prestation, quelques investissements machines et la marge commerciale.
Dans l’offre commerciale du GME, le lot réservé à l’EA n’a pas d’investissement. Il a été facile de comprendre où se situait l’écart. Malgré l’écart de prix significatif, la volonté de l’acheteuse de collaborer avec le STPA reste intacte. Mais elle souhaite comprendre cet écart de prix. Elle recherche une transparence dans les échanges commerciaux pour la nécessaire confiance et coopération « durable » recherchées. Car elle doit justifier sa proposition de choix aux décideurs, au prescripteur qui détient le budget. Être transparent, c’est être juste, c’est un acte bienveillant.
La bienveillance réciproque dans les relations d’affaire
Lors de cette réunion commerciale où étaient présents le prestataire principal et l’EA, l’interlocuteur de cette dernière a été surpris de notre demande d’explication de l’écart de prix, part notre volonté de comprendre ses contraintes opérationnelles. Notre demande de transparence se justifie aussi par notre connaissance de la décomposition de coût pour ce type de prestation, laquelle n’a pas été contestée par le prestataire principal. L’interlocuteur de l’EA avance plusieurs arguments rapidement réfutés, sauf celui relatif au bénéfice des UB après DOETH. Il refuse catégoriquement de communiquer sa structure de coût, mais accepte de « faire un geste commercial ». Mais pour mon client – et de nombreuses autres entreprises – la valorisation des UB (optimisation montant contribution Agefiph) n’est pas reversée dans le budget du prescripteur qui ne peut donc accepter une hausse de son budget.
Nous sommes avec mon client dans l’impasse et nous concluons que le modèle économique de cette EA n’est pas suffisamment compétitif et n’est pas viable dans le temps.
Dans une telle démarche de développement commercial, l’EA doit elle aussi faire preuve de bienveillance pour comprendre les contraintes de l’acheteur et faire des propositions. Cette EA n’était donc pas prête à établir la relation partenariale proposée par le donneur d’ordres et acceptée par le prestataire principal.
Selon le docteur Philippe Rodet exprimer notre bienveillance permet d’augmenter notre motivation à vouloir nous connecter aux autres : « ces relations favorisent alors en milieu professionnel la cohésion, les échanges et la créativité ».
* Le management bienveillant, la bienveillance est l’indicateur d’un monde encore humain, Philippe Rodet et Yves Desjacques, édition Eyrolles.